C’est bien la question que j’ai posé à ma fille de six ans à la fin de la lecture du conte original d’Alphonse Daudet. J’ai beaucoup aimé sa réponse, car après quelque secondes de réflexions elle m’a demandé ce que j’en pensais moi (Habile ! elle ira loin non ?). J’avoue avoir été moi même un peu en mal pour lui fournir une réponse claire, alors laissez moi vous partager ici le fruit de mes réflexions.
Le contexte sous le quel se présente le conte
Le texte est écrit sous la forme d’une lettre à un ami. Daudet écrit ce texte pour illustrer la situation dans laquelle s’est mis un certain Gringoire. Après quelques recherches sur Wikipedia, je peux vous assurer que Pierre Gringoire est en réalité un personnage fictionnel inspiré par un poète du XV ème siècle appelé Pierre Gringore. Ce Monsieur Gringoire aurait, selon Alphonse Daudet, refusé un poste confortable de chroniqueur dans un journal pour continuer à écrire ses poésies… Remit au gout du jour ce serait un peu comme si un réalisateur de film refusait un contrat avec Netflix pour se concentrer sur son projet de long métrage sur Marise Grangeu, maîtresse d’un député de la Sarthe sous la quatrième république.
Le choix de la chèvre de monsieur Seguin
La chèvre de Monsieur Seguin a tout ce que Monsieur Seguin peut lui offrir. Un bel enclos, de l’herbe, de l’amour, la sécurité et une jolie vue sur les montagnes. Elle est pleinement consciente du danger qui rode dans la montagne car elle connaît Renaude, une chèvre « forte comme un bouc », qui été mangée par le loup pendant son escapade. Malgré cela, dès que l’occasion se présente, elle décide de s’échapper et de s’aventurer dans montagne. Plus loin dans le récit, quand elle entend le loup et l’appel de la trompe de monsieur Seguin elle décide de rester dans la montagne.
« Hou Hou ! » faisait le loup
« Reviens, reviens » cirait la trompe
Blanquette eut envie de revenir ; mais en se rappelant le pieu, la corde, la haie du clos, elle pensa que maintenant elle ne pouvait plus se faire à cette vie là…
La chèvre de Monsieur Seguin, Alphonse Daudet
Maintenant analysons les conséquences de son choix selon le schéma classique thèse / antithèse / synthèse.
Oui, la chèvre de monsieur Seguin a fait une bêtise
On peut trouver du bonheur en chaque choses. Je peux vous affirmer pour m’y être rendu personnellement : le clos de la chèvre de Monsieur Seguin était des plus confortable. Il m’a fallu du temps mais après avoir interviewé une dizaines d’historiens Provençaux j’ai réussi obtenir une photo très rare de la ferme de Monsieur Seguin. L’enclos était dans le près au premier plan de cette image.
Aujourd’hui il y a une station service Esso dans le près, et un rond point sur la ferme de Monsieur Seguin, mais nous ne sommes pas là pour parler Artificialisation des sols.
On pourrait donc conclure que si elle avait écouté l’appel de la trompe, la chèvre aurait vécu d’un bonheur différent mais beaucoup plus longtemps.
Non, la chèvre de monsieur Seguin n’a pas fait de bêtise
La chèvre a préféré la montagne car avant de rencontrer le loup elle y vécu les plus belles heures sa vie. L’herbe qu’elle y mangea avait des saveurs incomparables au gazon du clos ! Elle y fit la rencontre d’un bouquetin charmant. En une journée elle était loin de tout avoir explorée. Elle le trouvait bien petit le clos de Monsieur Seguin d’en haut de sa montagne.
Durant toute la nuit que dura le combat contre le loup, la chèvre prit tout de même du plaisir. Le combat fut entrecoupé de trêves au cours des quelles elle en profita pour se délecter d’herbe. Alors oui, elle fini par se faire dévorer par le loup, mais elle vécu intensément. Donc il ne faut pas avoir peur du danger, il faut profiter de chaque instants et se battre puisque la mort est inéluctable.
Que répondre à ma fille de six ans ?
Je pense que les deux choix faisables sont bons s’il sont fait en aillant pleinement conscience des conséquences. Il faut aussi prendre le temps de réfléchir quand les choix se posent à nous pour ne pas les subir mais les vivre. A mon sens dans cette histoire la chèvre ne prend pas du tout en considération le mal qu’elle fait à Monsieur Seguin en décidant de rester dans la montagne. Elle a un comportement égoïste, mais si c’est dans sa nature et qu’elle le vit bien, je ne vois pas de raison de l’en blâmer. Je ne pense pas que l’altruisme soit une qualité universelle.
Lire ce compte aujourd’hui me touche particulièrement car cela fait 15 ans que j’ai commencé à travaillé. J’occupe un poste intéressant dans un belle entreprise où mes supérieurs semblent contents de moi. Ils me donnent des choses intéressantes à faire et un très bon salaire. J’ai donc un très beau clos, avec un gazon très goutu et une bride très peu serrée qui ne m’irrite presque pas le coup. Mais depuis mon clos, je vois la montagne ! Le soir je lis des livres, des histoires fabriquées par des gens libres à l’imagination débordante ! Alors je m’y essaye sur mon temps libre. J’ai écrit un manuscrit (qui n’a bien sûr intéressé aucun éditeur), alors j’en écrit un autre ! Mais pour bien faire, il faudrait que j’y consacre plus d’énergie, que j’arrête de travailler pour me mettre pleinement sur ce projet. Si j’étais ce bon vieux Gringoire c’est ce que je ferai ! Mais tout bien pesé, je préfère assurer mon train de vie et celui des enfants.
Si vous souhaitez vous faire votre propre idée sur la ou les morales de ce magnifique conte, je vous recommande vivement cette édition illustrée par Arnaud Madelénat, ici sur amazon, et ici à la FNAC.